C'est quand on a perdu quelque chose qu'on se rend compte à quel point on y tenait. [L]

Vous est-il déjà venu à l'idée que dans moins d'une semaine vous cesserez de vivre ?
Qu'en aviez-vous pensé ? Auriez-vous préféré éviter cela ?
Personnellement, cela ne m'affectait en rien. Peut-être qu'au ciel, peut-être que là
haut il y aurait mieux que sur terre. Peut-être qu'on m'accueillera mieux que la
vie ne l'a fait.

Que se trouve-t-il là haut ? Serai-je la plus jeune, comme je le suis cette année aux
Hunger Games ? La vie -ou plutôt, la mort- ne serait-elle pas ennuyante ? Aurais-je
pu éviter d'y aller ? Par quels moyens ? Aucun, sans doutes. Je n'étais pas assez forte
et respectable pour me faire écouter. Ca, je le savais parfaitement. Comme tout le
monde. Ils l'avaient même compris plus tôt que moi, et me l'avaient fait comprendre.
Qu'une gamine de treize ans à peine n'avait pas sa place ailleurs qu'à l'école ou dans
les hôpitaux miteux du Six.

Voilà deux heures que je pense à ça. Il faut dire qu'ici est un endroit agréable, en
fait. Il y a du vent, assez pour ne pas sentir le soleil tapant sur la ville du Capitole,
mais néanmoins trop peu pour parvenir à garder un soupçon de fraîcheur.
La chaleur était réconfortante, et je suppose que ça valait pour nous tous.
Mais le vide de présence humaine était flagrant, et c'était encore plus agréable
pour une personne comme moi. Une personne qui avait pour habitude d'être
seule.

Notre district avait beau être grand, je ne pus m'empêcher de me questionner
sur la superficie du Capitole. Combien de fois notre district ? Deux, trois ? Ou
plus ? Je ne saurai le dire. Il y a sûrement des choses plus importantes auxquelles
penser, comme savoir manier une épée ou des trucs du genre, mais je préférais
ne pas y penser. Profiter de mes derniers instants en tant qu'humaine et non en
tant que simple numéro destiné à amuser les gens du Capitole.

J'espérais sincèrement que l'arène aurait un point de réconfort, comme ici.
Où on n'entendait presque pas de bruits, excepté celui des moyens de transports
bruyants par moments. Où le soleil accablerait tout le monde de chaleur, et où
le vent chasserait cette impression par moments. Comme je me sentirai bien,
pour mes dernières heures. Qu'importerait la manière dont je finirai, alors,
je serai heureuse.

J'avais un peu observé les tributs, ces derniers jours. J'avais premièrement
remarqué que j'étais la plus jeune, donc la plus vulnérable. Ce peut être un
bon point, à vrai dire. Ils ne m'attaqueront pas en premier. Il me suffit de me
distancer des carrières. Et de la corne, donc. Mais j'ai pas mal de ressources, je
pourrais m'en sortir. Du moins je l'espère.

Autre particularité de mes futurs ennemis, certains d'entre eux s'étaient liés.
D'amour, d'amitié. Les alliances n'en seront que plus dures pour eux, j'en suis
consciente et j'espère qu'eux aussi. Me concernant, m'allier à quelqu'un de plus
fort que moi serait une bonne chose. Mais pour tout vous dire, je n'ai pas
vraiment confiance en ces gens. Ils sont tous là pour tuer non ? Par choix ou pas,
ils le feront, croyez moi. Et le ferai-je ? Le moment venu, j'en serai capable.
Parce que j'assure ma sécurité et ma survie, et si ma survie doit dépendre de
celle des autres, alors je n'hésiterai pas.

Un bruit soudain m'arracha à mes rêveries. Je n'étais pas seule sur ce toît.
Et la personne qui allait entrer serait un tribut, un ennemi. Alors, je pris la
décision de ne pas lui tourner le dos. J'attendis que le bruit se rapproche pour
me retourner et planter mes yeux bruns dans ceux de l'ennemi.