A la recherche de la survie

Je cours au petit trot. Toujours devant. Mon but: m' éloigner de la Corne et des carrières. Ca y est, je suis la cible des caméras je la sais. Elles sont partout, derrière chaque arbre et dans chaque buisson. Malgré tout, ça fait un bien fou d' être dans la forêt; ça fait quand même une bonne semaine que je n' ai pas vu un seul arbre. Paradoxalement, je suis à nouveau un peu chez moi. Même si cette forêt regorge de prédateurs. Et des prédateurs mortels.

Ma panique s' est un peu atténuée pour faire place à l' anxiété et à l' instinct de survie. L' anxiété car je me demande bien quand je vais pouvoir rencontrer Hirondelle. Et l' instinct de survie car le jour baisse, et il me faut songer à trouver mon dîner et un arbre pour dormir. Et de l' eau. Mais je m' efforce de ne pas trop songer à ma soif, je peux encore tenir. De toute manière un animal possède suffisamment d' eau en lui pour que sa chair m' abreuve.
Tout en marchant prudemment les oreilles aux aguets et mon couteau prêt à servir bien serré dans ma main, je cherche un endroit ou tendre un piège. La bobine de fil de fer que j' ai enroulée autour de mon poignet est un trésor pour moi. Elle peut certes me nourrir, mais un humain peut également facilement se laisser prendre...

Je m' arrête devant un cèdre grand et fin, mais assez résistant pour que j' y dorme. Parfait. Je tends un collet près d' une racine. L' air commence à fraîchir. Je n' ai pas trouvé de couverture à la Corne d' Abondance et je remonte la fermeture éclair de mon gilet. Par chance, je suis plutôt résistante au froid. Merci le district Sept !

Puis je grimpe dans l' arbre, jusqu' à atteindre des branches hautes encore solides. Je m' installe dans un creux. Avant le coucher du soleil, je descendrai récupérer ma prise puis m' attacher au tronc à l' aide de mon fil de fer. J' allumerai mon feu demain, tant pis, je peux passer la nuit sans manger. De toute façon, je n' ai pas très faim. Trop d' émotions et trop d' horreur. Tiens, à ce propos, c est bientôt l' heure de la récapitulation des morts de la Corne d' Abondance.

Au même moment, l' hymne éclate. Je vois au travers des branches les visages s' afficher. Je réalise que je les connais tous. Du moins, je les au moins déjà vus une fois. Ca me fait drôle. Mais je n' ai pas envie de rire, je suis triste. Horrifiée. Terrorisée.
District 5... 6... 7... Mon partenaire de district est mort. Désormais, le district Sept compte sur moi. Je ravale les sanglots qui menacent de débouler du fond de ma gorge. Ce garçon était de chez moi. District 8... 9... 10...
Et je vois le visage d' Hirondelle s' afficher.
Quoi ? Je me mets à trembler. Ils ont tué Hirondelle. Ils ont tué mon alliée.
Pendant une demi-minute, je reste incapable de respirer. Puis je me redresse sur me branche. Je bous de rage, de peur, de tristesse. Je la vengerai.

Quand l' hymne s' arrête, je descends de l' arbre. Mon collet m' a récompensée d' un bel écureuil. Je l' empoigne rageusement. Je le mangerai demain. Je remonte dans l' arbre, me faisant mal aux mains. En tremblant, je m' enroule avec l' écureuil pour la nuit dans un piège coulant. Et j' attends le sommeil en écoutant les bruits rassurants de la forêt.

Mais j' ai les yeux grands ouverts dans le noir.




Lancé de dé: pose de piège 1: réussite.
pose de piège pour le noeud coulant qui m' attache à l' arbre: réussite.
Facteur chance pour l' animal: écureuil.



J' ouvre les yeux brutalement. J' ai dormi ? Aucune idée. Mais il fait jour maintenant donc j' ai dû m' assoupir au moins 5 bonnes heures,d' un sommeil sans rêves. D' après la position du soleil, il doit être aux alentours de 6 heures.
Nous sommes donc arrivés au 2ème jour des Jeux. J' ai encore du mal à assimiler le fait que j' ai survécu à la Corne d' Abondance. C' est un soulagement qui ne dure pas. Le massacre a emporté mon unique alliée dans ces Jeux.

Ravalant un grommellement, j' entreprends de m' extraire du piège coulant qui me retient à mon arbre. Le cadavre de l' écureuil est glacial à présent. Il va falloir que je bouge, que je descende de mon arbre. Que je me tire d' ici. Je ne sais pas ou sont les autres tributs, je n' entends que les "piou piou piou" des oiseaux matinaux. La forêt semble calme. Trop calme.
Avant d' atterrir sur le sol, je tends l' oreille, guettant un pas, un froissement de feuille....
Mon couteau est toujours là, et j' enroule mon fil de fer autour de mon poignet, comme la veille. Aiiiiiieeee !!! Je suis pleines de courbatures vicieuses. Au pied de l' arbre, je m' étire avant de me mettre en route, le dos douloureux.

Bon. Mission: manger et boire. Boire. Ou y a-t-il de l'eau dans cette fichue arène ? Je lève la tête comme pour interroger le ciel. Il me répond que si je continue à marcher dans ce sens, je vais vers le Sud. Ca sert de connaître la course du soleil...
Tant que je reste dans la forêt, je reste dans mon élément. Allons vers le Sud, qu' importe.
Curieusement, je n' ai pas faim. J' ai comme une grosse boule dans l' estomac. C' est bizarre pourtant, ça fait longtemps que je n' ai pas mangé....

Je n' ai pas fait 15 pas que je réalise que cette fameuse boule n' est pas l' absence de faim. C' EST la faim. J' ai affreusement faim, et affreusement soif. Et pour cause, je n' ai pas mangé ni bu depuis le petit déjeuner de la veille. Qui me paraît si loin maintenant.
Je décide de marcher une heure, puis de m' arrêter pour faire un feu, quand le jour sera bien levé et que la fumée ne se verra pas.

Je m' efforce de respirer calmement, et de garder ma sueur à l' intérieur de moi. Pas le moment de perdre le peu d' eau qu'il me reste. A l' affût du moindre bruit humain, je continue à mettre un pied devant l' autre. J' ai l' impression que les arbres se densifient, mais peut-être est-ce moi qui commence à délirer.
J' ai encore très mal au dos et mes pieds commencent à me faire souffrir. Je me force à continuer cependant car plus je m' éloigne de la Corne d' Abondance, plus je suis en sécurité.

Au bout d' un certain temps, je n' en peux plus et je m arrête, essoufflée. M' adossant à un chêne au large tronc, je ramasse deux pierres pour faire un feu selon la technique apprise au Capitole. Je les frotte l' une contre l' autre.
Ouiiii !!! Une flamme ! Ouf, je n' ai pas perdu mes compétences. Arrachant convulsivement les membres de l' écureuil, je les mets à rôtir.

Il faut que je mâche bien, même si c' est dur. Habituée à la viande, je savoure l' animal. J' en garde les cuisses, que j' accroche à ma ceinture, et j' enterre ses abats ainsi que les débris de mon feu, pour supprimer toutes les traces de mon passage. Quand je me lève, je me sens un peu plus en forme. J' ai un peu moins soif grâce au jus de viande.

N' empêche... Ma prochaine mission reste l' eau. Je mourrai demain, sinon.
Après avoir fait un arrêt de prudence pour vérifier que je suis seule, je repars dans la même direction.




Les Juges auraient-ils l' amabilité de me dire si je vais trouver de l' eau ?

Facteur chance pour l' allumage du feu: Réussite.